« Sortir du deuil, Surmonter son chagrin et réapprendre à vivre » d’Anne Ancelin Schützenberger et Évelyne Bissone Jeufroy

INTRODUCTION

Le travail de deuil comme un processus de guérison

Nous avons tous, ou presque, des deuils non faits qui se sont accumulés au fil du temps. Ils concernent aussi bien la mort d’un être cher qu’une rupture amoureuse, la perte d’un ami, de son pays, de sa maison, d’un emploi ou d’une entreprise, une mise à la retraite ou la fin d’un idéal professionnel (par exemple, devenir peintre ou médecin), ou bien la perte d’une partie de son corps due à la maladie ou à la suite d’un accident, ou encore la disparition de son animal de compagnie. Dans tous ces cas, qui sont autant de traumatismes, nous perdons notre sécurité de base, nos rapports au monde changent et deviennent fragiles.

Ces pertes dont le deuil n’a pas été fait, nous les « ruminons ». Elles nous empêchent de vivre. Or, plus on travaille ce vaste thème, mieux on arrive à « sortir » du deuil. Sans ce travail nous ne cessons pas de trouver inacceptable ce qui nous est arrivé. Il vaut mieux pourtant, un jour ou l’autre, affronter son chagrin et surmonter des pertes qui, ne l’oublions jamais, sont inévitables dans la vie de tout être humain, ou des changements auxquels nous sommes obligés, que nous le voulions ou non, de nous adapter. Il serait dommage d’en tomber malade, voire de s’en laisser mourir.

Le premier enterrement auquel nous ayons assisté, ce fut, pour l’une , à dix-sept ans, celui de sa petite sœur de treize ans, et pour l’autre, à vingt-cinq ans, celui de son deuxième enfant, un bébé de six mois. Nous étions l’une et l’autre totalement sans défense, « impréparées » à la mort et au deuil, et ce, d’autant plus que la mort précoce d’un enfant n’est pas « dans l’ordre des choses », elle est « impensable », injuste, incompréhensible.. Jamais plus nous ne referons l’erreur de ne pas être allées chercher de l’aide, de nous être laissées distraire « pour notre bien », de ne pas avoir suffisamment dit au revoir et adieu… et d’avoir continué à « vivre », si l’on peut dire, avec une souffrance non exprimée. Face à la perte de ce qui nous est cher, que l’on soit ou non accompagné, la douleur et la souffrance sont probablement les mêmes, mais on s’en sort mieux si l’on se fait aider.

Souvent, un « océan de larmes » nous submerge. Il ne faut surtout pas les « rentrer », les garder en soi. Cependant, pleurer en solitaire n’empêche pas de somatiser. Tout un travail de deuil est à faire pour vider la plaie et commencer à cicatriser.

Il est courant d’entendre qu’il n’y a pas de mots pour dire la souffrance de la perte et ce mal-être qui perdure. La société occidentale, reconnaissons-le, ne nous aide pas; elle nous demande de rester digne dans la douleur, de ne pas nous plaindre, de vite redevenir « comme avant » et en forme. Or, il existe des mots pour le dire. Mais il faut qu’ils soient entendus et écoutés, et que l’on puisse les prononcer sans être distrait, détourné ou interrompu. On peut aussi s’exprimer sans mots, par une présence , un geste affectueux.

Notre société, qui n’a d’yeux que pour la jeunesse, la beauté, la fortune, le succès, considère que la maladie, la vieillesse et la mort sont taboues. Il nous semple important, comme le dit Nadine Beauthéac, de faire « évoluer les choses dans ce domaine si tabou, et que chaque personne en deuil puisse vivre autrement que dans la solitude et dans l’incompréhension de sa grande souffrance et sa lente transformation personnelle ». Chacun doit savoir de quoi est composée sa souffrance, entendre que d’autres ont vécu ce qu’on vit, mieux comprendre les mécanismes du deuil, savoir que celui-ci est long et qu’il fait terriblement souffrir, qu’on peut souffrir toute une vie d’une mort ou d’une perte, et qu’un tel vécu fragilise tout en pouvant nous rendre plus fort par la suite, une fois que le deuil est fait.

Jadis, nous avions des rites réparateurs de séparation et de deuil: les parents, amis, voisins venaient veiller le mort et lui dire au revoir. Il y avait les vêtements noirs, les fleurs et couronnes, les prières, les adieux, l’enterrement, une cérémonie. On faisait l’éloge du défunt. Il y avait des visites, les lettres de condoléances et de remerciements, la sortie du deuil et la messe d’anniversaire. Il y avait aussi, juste après la cérémonie mortuaire, des repas conviviaux au cours desquels la vie sociale reprenait. « Boire et manger ensemble est un rite d’union, quelle qu’en soit l’occasion », rappelle d’ailleurs l’ethnographe Arnold Van Genepp. On parlait du disparu, on se souvenait des bons moments passés ensemble. Ce temps de convivialité pouvait être un repas familial, une simple collation chez soi, dans un restaurant ou un café, près du cimetière. C’était un moment important, ressourçant, afin de ne pas repartir seul avec de tristes pensées. La convivialité, le fait d’être ensemble, entouré d’êtres qui nous aiment, peut soulager la tension de l’adieu et apporter un certain réconfort. Dans l’ensemble, ces rites, que l’on retrouve dans les sociétés primitives et traditionnelles, ne sont plus guère pratiqués de nos jous.

Depuis longtemps, on nous apprend la maîtrise de soi, la réserve, à souffrir en silence et à ne pas le montrer. Ce qu’on « rentre » ainsi, « ressort » hélas souvent de façon psychosomatique. Troubles physiques occasionnés par des facteurs émotionnels et affectifs, asthme, eczéma, ulcères, cystites, infections génitales ou intestinales, mononucléose, mal de dos, migraines ou graves maladies comme les cancers: on tombe malade parfois, et l’on meurt encore de chagrin, faute d’avoir pu exprimer celui -ci ou d’avoir appris à revivre « sans ».

On nous apprend à gagner, mais on ne nous apprend pas à perdre. Or, la vie est une succession de changements et de pertes. Selon Kurt Lewin, tout est en équilibre quasi stationnaire, donc en équilibre précaire. La plupart des gens imaginent néanmoins que tout, absolument tout, va durer: le bonheur, l’amour, la santé, la jeunesse, la beauté… Or, l’équilibre, la sérénité, la santé, la vie en couple, l’amitié nécessitent de soins et un entretien fréquents: ils sont à reconquérir tous les jours. Même la foi et le bien-être intérieur sont à retravailler et à retrouver, par exemple en se ressourçant.

« Notre plus grande gloire n’est pas de ne pas tomber, mais de savoir nous relever chaque fois que nous tombons », disait Confucius.

Sortir du deuil, retrouver une certaine paix intérieur, une sérénité, telle est la raison d’être de ce livre qui, avant d’aborder, exemples à l’appui, les diverses étapes du deuil, propose certaines techniques permettant de se ressourcer face au principal stress: la séparation, l’absence, la perte définitive de ce qu’on aime. Grâce à ces techniques, on peut mieux faire face, et réapprendre à vivre – différemment.

CHAPITRE PREMIER

Comment aider les personnes en deuil

Tout changement est un stress déstabilisant, nécessitant une nouvelle adaptation et un équilibre nouveau. C’est une période de grande fragilisation qu’il ne faut pas négliger. Distraits, angoissés, perturbés dans notre sommeil, nous accomplissons parfois, sans nous en rendre compte, des actions autodestructrices: trop boire, trop manger, prendre des risques, se blesser, tomber et se casser un bras ou un pied, avoir un accident de voiture, etc.

Il existe un antidote à ce comportement d’autodestruction: prendre soin de soi pendant la période d’affliction. (…)

Normalement, nous n’avons ni le temps, ni l’énergie, ni le savoir-faire, ni la concentration, ni la liberté d’esprit pour décider de quoi que ce soit. Or, prendre une décision positive au lieu d’une décision négative, ne pas « laisser faire » lorsque nous sommes confrontés à une crise de vie, peut faire toute la différence. De cela peut dépendre la manière dont nous faisons face aux crises et tournants de la vie, et dont nous allons continuer de vivre (ou de survivre). (…)

Par exemple, nous proposons souvent aux personnes gravement malades ou en crise de se constituer un « réseau de soutien », puis de nous aider à constituer pour elles une liste de personnes qui, toutes, accepteraient de venir une fois par mois à la maison, ou sur le lieu d’hospitalisation ou internement. Comme il est difficile pour chacune d’entre elles de promettre davantage et de « tenir au long cours » ses engagements, nous suggérons que la liste soit longue (plusieurs dizaines de personnes ) et l’engagement court.

Les « impairs » à ne pas commettre

Attention à ne pas donner des conseils à des personnes qui ne vous en demandent pas. Ces conseils vous conviendraient peut-être à vous, mais rien ne garantit qu’ils s’appliquent aux autres. Un cendrier breton, qui eut beaucoup de succès, portait ainsi l’inscription suivante: « Ne me donnez pas de conseils, je sais me tromper tout seul, merci. » Une seule personne sait ce qui lui convient à ce moment-là, c’est la personne en deuil d’elle-même.

À ce sujet, la recherche « princeps » de Kurt Lewin, en dynamique des groupes, qui portait sur le changement, a montré que les changements de comportement durables sont uniquement ceux que les personnes décident de faire elles-mêmes, ou avec des « pairs » ou des amis, et que, même ainsi, seuls 30% d’entre elles mettront leur choix en œuvre… (…)

Surtout, évitez les mots de consolation maladroits: ils blessent. (…) En voici un florilège: « Tu verras, tu t’en sortiras… »; « Tu dois refaire ta vie »; « Avec le temps, tout rentrera dans l’ordre »; « Il avait accompli son temps sur terre »; « Tu l’as si peu connu… Ce n’est tout de même pas la même chose que de perdre un enfant plus âgé… »; « Ne t’inquiète pas, pense à une nouvelle grossesse »; « Fais un autre enfant, et tu verras, tu oublieras… »; « C’est lui qui l’a voulu », à la mère d’un suicidé; « Tu n’as pas le droit de montrer ta tristesse devant tes enfants », à une veuve récente; « Qu’est-ce que tu fais de tes journée? », à quelqu’un qui n’a pas de travail.

Si l’on ne sait pas quoi dire, il faut savoir qu’une présence, même silencieuse, produit un effet bénéfique: être ensemble, cela aide. Si l’on veut tout de même dire quelque chose, il convient de parler vrai: on ne trouve pas les mots, mais le cœur y est. Par exemple: « C’est si terrible que je ne sais pas quoi dire, mais je t’aime très fort (ou je suis avec toi). » Il est crucial d’être sincère, authentique, sinon des « fuites comportementales » (ton de la voix, sourire, regard) renseignent l’autre, qui en sera blessé.

Créer ses propres rituels de séparation

Bien des gens regrettent de ne pas avoir fait ce qu’il fallait à l’époque, ou de ne pas avoir été présents au moment de la séparation. Dans ce cas, il est possible de faire, immédiatement ou un peu plus tard, ce que les psychothérapeutes utilisant le psychodrame ou le jeu de rôle appellent un « surplus de réalité »: on rejoue symboliquement l’adieu ou la séparation. Certains y arrivent seuls, sans aide thérapeutique.

Quoi qu’il en soit, il est fondamental d’associer les bons, les beaux et les mauvais souvenirs au moment de l’adieu. C’est un moment privilégié, à forte charge symbolique, où il faut « parler vrai », juste, et dire ce qu’on a sur le cœur. Par exemple, dire au revoir autrement, ou régler ce qui ne l’a pas été: se dire qu’on s’aime malgré les difficultés, faire part de secrets de famille ou de « double vie » et d’enfants naturels, nés sous x ou par insémination artificielle. Ou bien, tout simplement, pardonner.

CHAPITRE II

Lutter contre le stress émotionnel

Parler à son corps

L’impact du stress varie beaucoup d’un individu à l’autre. Il frappe souvent ce qui est fragile en nous (par exemple, le dos, le genou, la digestion). Prenons l’exemple d’une jeune algérienne, de langue maternelle arabe, venue volontairement en France avec son mari, également algérien. Attirée par la France, elle en a étudié chez elle la langue, al poésie, l’histoire, la géographie, bref, la culture. À vingt-trois ans, la voici donc à Paris, ville qu’elle a l’impression de déjà connaître et dont elle apprécie la liberté d’expression et la sensibilité artistique. À l’automne, avec l’arrivée de la « grisaille », lui vient la nostalgie de sa langue maternelle, de la convivialité et de la chaleur humaine méditerranéennes, des visites à l’improviste avec « table ouverte », ainsi que de la gentillesse et de la générosité de cœur de son peuple. Elle trouve un emploi dans un hôpital et s’y plaît. Au bout de huit mois, elle commence à souffrir de douleurs au dos, puis à l’aine. Elle se fait hospitaliser. La radiographie révèle un ulcère. Le chirurgien évoque « l’ulcère du jeune déraciné », explique que c’est psychologique, nerveux, et demande à la jeune femme de parler à son ulcère. Ce qu’elle fera.

Le corps parle. Et il ne ment jamais. Quand on somatise, c’est-à-dire, quand le corps parle et, parfois, crie qu’il n’en peut plus, lorsqu’il a un choc ou une overdose de stress et un manque de soutien affectif, ce qui ne se met pas en « mots » s’exprime en « maux ». On peut alors parler à la partie du corps qui souffre, lui dire par exemple: « Je comprends que ton pays, le soleil et la chaleur te manquent. » Il est nécessaire de reconnaître la souffrance du corps et de la mettre en mots: cela peut lui éviter de la mettre en maux. Il faut s’adresser à lui directement, mais gentiment, avec douceur, comme on s’adresserait à une personne qui souffre (ce qui est d’ailleurs le cas). On lui explique qu’on ne peut pas revenir en arrière et que nous avons besoin qu’il nous aide à nous adapter à cette nouvelle situation, certes plus difficile que l’ancienne. C’est ce qu’a fait cette jeune femme, qui s’en est portée beaucoup mieux.

CHAPITRE III

Aider les autres comme soi-même

On parle souvent de stress; on oublie que le dévouement, le sens du devoir et de l’oblativité ou la « générosité » comportent, à trop forte dose, des aspects négatifs pouvant entraîner des maladies. Si, par exemple, on se force, parce qu’on se sent obligé de rendre service, à se sacrifier, on court le risque de l’agressivité passive, du ton acariâtre ou amer, de la mauvaise humeur constante. Même s’il est vrai que le narcissisme et l’égoïsme de certains laissent beaucoup de travail aux autres, il est indispensable de prendre chaque jour un peu de temps pour soi, de s’autoriser à vivre à son propre rythme. « Aime ton prochain comme toi-même », disent les Évangiles; cela signifie qu’il faut d’abord s’aimer soi-même pour pouvoir aimer « en vrai » les autres.

Le triangle de Karpman

Quatre plaisirs par jour… au moins

Il est important de s’accorder du temps à soi sans se sentir coupable. Et c’est d’autant plus vrai que la seule personne avec laquelle nous sommes certains de rester jusqu’à la fin de nous jours, c’est bien… nous-même!

Prendre soin de soi, se ressourcer, cela permet de pouvoir donner aux autres de façon positive, souriante et légère: le bonheur et la joie de vivre sont contagieux.

Pour prendre conscience qu’il existe des plaisirs simples, il suffit de dresser, seul ou avec une aide, une liste de choses agréables à faire et peu onéreuses: prendre une tasse de café au soleil, caresser son chat, manger du chocolat, téléphoner à un ami, etc. Cette liste, on l’écrit, on l’affiche, on créé un espace dans son emploi du temps pour agir, on le fait réellement. (…)

Sachez enfin qu’il est important de retrouver ses rêves et passions, parfois brimés ou brisés. Et de se les offrir – autant que possible.

Le mantra du bien-être

Pensez à reprendre votre souffle, respirez, ouvrez la fenêtre et regardez le ciel, respirez une rose (ou votre eau de Cologne). Respirez largement, videz vos poumons du vieil air qui a vécu votre souffrance ou la souffrance des autres, que vous avez « encaissez »… et qu’il faut donc « décaisser ».

Respirez lentement et dites, comme une prière, une médication, en récitant d’une voix monocorde:

Tous les jours, et à tout point de vue, je vais de mieux en mieux.

Tous les jours, et à tout point de vue, je vais de mieux en mieux.

Tous les jours, et à tout point de vue, je vais de mieux en mieux.

Tous les jours, et à tout point de vue, je vais de mieux en mieux.

Tous les jours, et à tout point de vue, je vais de mieux en mieux.

Tous les jours, et à tout point de vue, je vais de mieux en mieux.

Tous les jours, et à tout point de vue, je vais de mieux en mieux.

Tous les jours, et à tout point de vue, je vais de mieux en mieux.

Tous les jours, et à tout point de vue, je vais de mieux en mieux.

Tous les jours, et à tout point de vue, je vais de mieux en mieux.

Tous les jours, et à tout point de vue, je vais de mieux en mieux.

Tous les jours, et à tout point de vue, je vais de mieux en mieux.

Tous les jours, et à tout point de vue, je vais de mieux en mieux.

Tous les jours, et à tout point de vue, je vais de mieux en mieux.

Tous les jours, et à tout point de vue, je vais de mieux en mieux.

Tous les jours, et à tout point de vue, je vais de mieux en mieux.

Tous les jours, et à tout point de vue, je vais de mieux en mieux.

Tous les jours, et à tout point de vue, je vais de mieux en mieux.

Tous les jours, et à tout point de vue, je vais de mieux en mieux.

Tous les jours, et à tout point de vue, je vais de mieux en mieux.

Tous les jours, et à tout point de vue, je vais de mieux en mieux.

Tous les jours, et à tout point de vue, je vais de mieux en mieux…

et même, tout à fait bien.

CHAPITRE IV

Comment se ressourcer

Un exercicie de visualisation contre le mal de tête

Cet exercice utilise tous nos sens, de manière à « ancrer » ce qui se passe dans l’inconscient et dans le corps. De fait, la psycho-neuro-immunologie découvre qu’il y a de fortes relations entre le corps et l’esprit: psycho-corporelles, psycho-somatiques, somato-psychiques. On peu agir sur le fonctionnement involontaire de notre corps par le « bio-feed-back et des images mentales.

Visualisez votre mal de tête.

Suel est son poids (en tonnes, kilos, grammes)?

Sentez-le bien.

Quelle est sa forme?

Sa couleur?

Sa largeur?

Sa profondeur?

Sa longueur?

Et maintenant, voyez votre mal de tête à nouveau. Comment est-il maintenant?

On répète plusieurs fois, d’un ton monocorde, les mêmes questions, jusqu’à ce que la couleur devienne claire et le poids léger ou quasi inexistant, et que le sujet en exprime une heureuse surprise.

CHAPITRE V

Toute perte, tout deuil est une souffrance

Même si « la tête » oublie la date anniversaire ou l’âge de la « perte d’objet d’amour », le corps, lui, n’oublie pas, car il y a eu empreinte. (…)

La famille Kennedy offre une tragique illustration de ces loyautés familiales invisibles. John Fitzgerald Kennedy, président des États-Unis, « oublie » que son arrière-grand-père paternel, Patrick Kennedy, le fondateur de la dynastie américaine, est mort le 22 novembre 1858. Il « oublie » aussi la date de la mort de son arrière-grand-père maternel, James Hickey: 22 novembre 1900. Il « oublie » ces dates, mais il n’oublie pas d’oublier de prendre des précautions: le 22 novembre 1963, à Dallas, alors même qu’on l’a prévenu d’un danger éventuel, il « choisit » de ne pas mettre le toit de verre couvrant de sa voiture. On sait ce qu’il advient…

(…)

Claire a trente ans. Elle a une petite fille de neuf ans. Son drame, c’est qu’elle vient de faire sa neuvième fausse couche en huit ans. Elle a perdu le sourire, car le médecin lui a affirmé qu’avec le triste état de son utérus, aucun enfant ne pourra jamais plus s’y nidifier.

Claire aimerait bien un fils, mais surtout elle veut à tout prix se sentir femme et vivante à nouveau, donc avoir un autre enfant.

La situation est d’autant plus complexe et difficile que son mari, ingénieur et cadre supérieur, pense qu’une fausse couche à quelques semaines de grossesse, c’est une « histoire de femmes » banale, fréquente, en rien semblable à la perte d’un enfant. Pour lui, il n’y a aps de deuil à faire et « pas de quoi fouetter un chat ».

Pour se changer les idées, Claire retourne à l’université. Son professeur pense à lui faire faire une recherche sur les femmes ayant perdu un enfant ou ayant fait une fausse couche. Claire contacte alors plusieurs gynécologues. Au cours de ce travail, elle accompagne des femmes ayant perdu un enfant jeune, un nouveau-né, ou ayant vécu la « mort subite du nourrisson », une fausse couche ou un avortement. Elle choisit ensuite, pour la pureté de la recherche, un cas, le sien: la fausse ouche par accident, fatigue ou épuisement de la mère. À force d’entendre parler ces femmes, de les écouter avec son cœur, un travail de deuil commence à s’opérer en elle.

Claire fait alors, sans le savoir, juste par écoute des autres, en écho au sien, un travail d’un adieu symbolique à chacun de ces neuf enfants non nés. À la fin de n’année, elle est enceinte, écrit et « soutien » son travail, et contrairement à toute prévision médicale, elle accouche d’un superbe petit garçon, qui va devenir un grand jeune homme, sportif, studieux, brillant.

Depuis, elle a terminé son doctorat de psychologie clinique, a fait une thérapie et s’est installée comme psychothérapeute. Elle relie la reprise de sa fécondité et de nidification au fait que cette souffrance de la perte d’un enfant non né a été entendue, écoutée, reconnue. Et qu’accompagner avec une oreille attentive et pleine de compassion d’autres femmes dans la même situation, lui a permis de se libérer de sa propre souffrance et d’en faire le deuil.

Justice « réparatrice »

La justice « réparatrice » peut aussi s’appliquer dans notre vie quotidienne. Restaurer et tenter de réparer: ce concept a été repris par les Néo-Zélandais, les Australiens, les Canadiens, les Américains (États-Unis) et récemment en Suède, pour aider la famille de la victime autant que celle du coupable – contrairement à la justice occidentale qui ne s’occupe que de punir le coupable sans penser à la réparation de tous ceux qui souffrent dans les deux camps. (…)

Notre société est encore archaïque et binaire, et ne reflète qu’un point de vue restreint et un choix limité: « punir ou ne pas punir ». Elle oscille ainsi entre la punition et la permissivité. Cependant, il est possible de construire une vision plus utile de la discipline sociale, en considérant l’interaction de deux autres variables: le contrôle et le soutien. (…)

La quatrième variable est l’approche « réparatrice ». Cette approche emploie à la fois un niveau élevé de contrôle et de soutien. Elle met en lumière les « nuisances » en les désapprouvant, tout en soutenant et en exaltant la valeur intrinsèque de celui qui les a commises. (…)

La justice « réparatrice » doit être perçue comme un mouvement social dédié à intégrer les pratiques réparatrices dans la vie de tous les jours. Elle peut être très utile quand on sait que la haine, ressentiment, rancœur, révolte, colère et désir de vengeance se nourrissent des injustices subies, stoppent toute évolution, toute maturation, et empêchent de faire le deuil de toute perte.

CHAPITRE VII

Refuser de faire son deuil

Comme le dit Freud dans ses notes de bas de page, il faut reprendre le même thème pour le travailler et le retravailler (working through, perlaboration) à des époques et sur des registres différents, comme on reprend le thème d’une sonate classique, jusqu’à l’explosion finale, en « bouquet », dont la « fin » est souvent loin d’être la guérison finale.

Chaque « mieux » doit seulement être traité comme un « palier ». (…)

« Se pourrait-il que la répression des sentiments, l’équilibre calme et maître de soi, que l’on s’est péniblement imposé, et dont on est si fier, ne représente en fait qu’un sinistre appauvrissement, et non pas une « valeur culturelle » comme on s’est habitué jusqu’alors à considérer? », se demande Alice Miller dans C’est pour ton bien. (…)

Les thérapeutes, de même que les médecins, sont souvent aussi démunis que leurs patients par ce deuil qui réveille en eux une blessure passée, et ils peuvent se sentir en désarroi, déstabilisés devant l’échec de leur technologie et de leur pratique. Inconsciemment, leur patient leur renvoie l’écho de leurs deuils personnels ou familiaux non faits. Et il arrive que faute de savoir quoi dire ou que faire, ils évitent le sujet, détournent le regard ou la conversation – faisant ainsi plus de mal que de bien à leurs clients.

CHAPITRE IX

Apprendre à pardoner

Pardonner, ce n’est pas forcément se réconcilier. On peut pardonner sans entrer de nouveau en relation avec l’offenseur.

Pardonner, c’est arrêter de souffrir de la rancœur, lâcher prise de cette énergie négative que comportent le désir de revanche, l’animosité, le ressentiment ou la haine.

Pardonner ne signifie pas oublier: on garde les apprentissages de l’expérience.

Le pardon est un lâcher prise de l’exigence que le passé soit différent de ce qu’il a été.

Il s’agit souvent de se pardonner à soi-même de ne pas avoir pu empêcher la perte, de ne pas avoir pu changer le cours des choses.

Pour Lytta Basset, « la démarche du pardon a ceci de fascinant qu’elle est tout entière du côté de la personne affectée par le mal: celle-ci est la première à y gagner. Et elle ajoute: « Une mémoire du mal sans pardon fait entrer dans une vie d’enfer. Mais un pardon sans mémoire du mal subi n’est pas un pardon authentiquement libérateur. »

CONCLUSION

Dans certains pays on par le de « deuil blanc ». Il s’agit là d’entreprendre le travail de deuil d’un proche tandis que cette personne, toujours vivante, n’est plus elle-même, par exemple dans le cas d’un Alzheimer, ou d’une sénilité, ou encore d’une tétraplégie ayant entraîné la perte de la parole. En revanche, il ne fut pas faire le deuil prématuré d’une personne dans le coma, car il est importnat de penser qu’elle va s’en sortir.

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